Anne Vincent . hishanne@gmail.com
La réalisation de la série Ombres en 2011 est liée à un moment crucial au sein de ma pratique ; un moment de rupture et de doute qui s’avéra par la suite fructueux dans la mesure où il me permit de lâcher prise. La mise à mal de certains savoir-faire jusqu'alors oppressants m'amena notamment à l’acceptation d’un inachèvement assumé.
La toile Ombre I de 2011, fut le déclenchement de cette fracture radicale. En effet, l’émergence récurrente et « après-coup » d’une présence me renvoyant à ma sœur, récemment décédée, me confronta à une béance insupportable qui me fit quitter l’atelier. Le processus de travail fut interrompu brutalement et les toiles en cours restèrent en attente dans l’atelier.
Mon travail de recherche ancré dans l'expérience de l'atelier, est indissociable du temps dévolu à l'écriture. L'approche réflexive durant ce temps de retrait sur des éléments de ma propre pratique fut nourrie par la confrontation avec la singularité des expériences de création d'autres artistes. L'attention portée au processus d'instauration du tableau fut nécessaire pour passer à autre chose.
Les toiles de 2013 (Série New York), faisant suite à cette période de décantation de près de deux ans, me questionnent par leur facture tout juste esquissée. Les éclaboussures et les coulures viennent perturber la surface picturale sitôt la représentation s’imposant de façon trop évidente. Les contraintes propres au médium à l’huile m’imposent aussi un rythme spécifique. L’arrêt nécessaire me détourne bien souvent d’un acharnement aux conséquences définitives. La suspension du geste évite alors de dépasser le seuil au-delà duquel serait gâché ce qui est venu d’un seul jet. Je m'interroge sur cet instant fragile et décisif de l'arrêt dont les peintres soulignent bien souvent la complexité et leur impuissance à en orienter le processus de manière objective.
les Ombres : note d'intentions